dimanche 28 février 2010

Le mur salace



Il y a sur mon mur certaines traces,
qui s'avèrent particulièrement coriaces.
La plus puissante des eaux de javel ne les efface..

Il complote contre moi ce mur salace.
Sa couleur d'origine, me dit-il, il s'en passe.
Il aime bien ces gribouillis et les souvenirs qu'ils ressassent ..

Pourtant la virginité d'un mur blanc me déprime et me tracasse..
Mais ces traces,
qui un jour, pour mon plus grand bonheur, occupaient toute la place,
bien que toutes petites, aujourd'hui, m'agacent..

jeudi 25 février 2010

La Joueuse de Jacquet













Qui suis-je pour vous dire ce que je vous dis?
Je n'ai ni la solidité de la roche qui, polie par les vagues, devient aussi lisse qu'un galet, ni l'endurance d'une canne de roseau, qui, percée par les vents, se transforme en flute enchantée... Je suis la joueuse de Jacquet. Des fois je gagne, des fois je perds. Je suis comme vous, ou peut-être un peu moins, et pas aussi futée que j'en ai l'air...

Je suis née d'une famille dont j'ai hérité les traits du visage et quelques signes particuliers:
- de la timidité face au père et les personnes plus âgées.
- l'illusion qu'on peut guérir d'une grippe avec une tasse de thé.
- ne pas faire simple quand on peut faire compliqué.
- la suffisance du lièvre et la lenteur de la tortue
- passer les nuits d'hiver à chasser l'ennui


Je ne suis pour rien dans ce que je suis.
C'était un hasard que je sois une fille et c'était par hasard que j'aperçus un croissant de lune pale et effilé courtiser les étoiles qui se trémoussaient. Et c'est sans chercher que j'ai trouvé dans mon corps une aumônière secrète qui déborde tel la corne d'abondance quand elle est titillée.

J'aurais pu ne pas être. Ma mère aurait pu ne pas épouser mon père, ni m'enfanter.
J'aurais pu être l'auteur et l'héroïne de l'histoire que j'ai lu un soir d'été: Une humaine victime de son amour pour un Elfe qui ne l'enlèvera jamais...

Je ne suis pour rien dans ma pyromanie.
Mais je suis une fille frivole qui aime glander dans le champs d'attraction du feu qui l'appelle: "viens plus près.." .. Et je ne suis pour rien dans mon sauvetage de l'incendie que j'ai allumé. Un phœnix humain a couru à mon secours lorsqu'il aperçut les flammes me dévorer...

Qui suis-je pour vous dire ce que je vous dis? je ne suis qu'un jet de dés...
Entre dévoreuse et dévorée, j'ai pu apprendre l'éveil, non pas pour me délecter de la splendeur de ma nuit étoilée, mais pour assister au lynchage d'un lion par des moutons déchainés...

Je n'ai pas de rôle dans la vie à part quand elle m'a appris ses préceptes j'ai dit:" mais encore?" ensuite j'ai allumé ses bougies et les ai entretenues...

Qui suis-je pour vous dire ce que je vous dis? qui suis-je?
Je ne suis pour rien dans mon inspiration. L'écriture n'est qu'un jet de dés sur une tranche carré de l'obscurité. Elle pourrait luire ou ne pas luire... Mais à trop chercher dans ma conscience le fond de mes pensées, je perds conscience et je tombe dans les mots comme on tombe dans les pommes..

J'aurais pu ne pas succomber au charme du jeune homme qui m'a demandé l'heure dans la rue si je n'avais pas choisi d'aller faire mes courses à pied ce jour pluvieux d'hiver.. ou de celui qui m'a souri en passant alors que je ne le connaissais guère, ou de celui qui m'envoie ses mots comme on jette des fleurs, ou encore de celui qui me lit, en braille, comme un livre ouvert... J'aurais pu ne pas épingler le souvenir de chacun d'eux dans ma mémoire comme on pique une poupée vaudou dans l'emplacement du cœur...

C'est ainsi que les mots prennent forme: j'entraine mon cœur à contenir les roses et leurs épines... Entre désirs platoniques et aspirations charnelles, je ne pourrais être moi que si un mâle se loge dans un coin de mon esprit et s'y installe..

Amour, amour.. qu'es-tu? combien es-tu? es-tu ou n'es-tu pas?
Souffle sur nous, amour, tel la rafale, emporte-nous tel l'ouragan, fends-nous tel la foudre qu'on puisse devenir ce que veut ta présence divine dans nos corps qu'on soit. Et fonds dans un fleuve qui inonde ses rives... Tu as beau paraitre ou te dissimuler, tu n'as pas de forme et on t'aime quand on aime par hasard et tu nous enivres. Tu es la chance des misérables, le compagnon des solitaires et c'est avec toi, amour, qu'on réapprend à vivre..

Par manque de chance, j'ai souvent échappé à la mort par amour. Cependant j'ai la chance d'etre encore assez friable pour retenter l'expérience...

L'homme qui a aimé mille fois dit:" L'amour, notre  honnête mensonge". L'amante l'entend et lui répond:" l'amour, nous transperce et passe son chemin tel l'éclair, tel un songe.."

Avec du sang noir, ou peut être est-ce l'ancre d'un corbeau qui n'a pas de voix ou est-ce l'essence d'une nuit distillée, goutte par goutte, par la main de la chance, j'aurais peut-être écrit: si j'étais une autre j'aurais été moi même à nouveau..

C'est ainsi que je ruse: Narcisse n'était pas beau mais certains artisans avaient trafiqué son miroir. Le pauvre ne put décrocher son regard de son image. Mais s'il pouvait voir les autres ne serait-ce qu'un instant, il serait tombé d'amour pour la fille qui le contemplait. Et s'il était plus intelligent, il aurait brisé son miroir et vu à quel point il ressemble aux autres. Et s'il était libre, il ne serait jamais devenu une légende...

Quand le ciel est gris -et il l'est souvent- je perçois une rose qui pousse dans la brèche d'un mur. Je ne dis pas:"le ciel est gris", Mais j'admire la rose longuement et je lui dis "quelle journée..".

Je ne dis pas "la vie là-bas est la vraie vie mais elle demeure un rêve inaccessible". Mais je dis " La vie ici est possible."

Qui suis-je pour vous dire ce que je vous dis?
J'aurais pu  ne pas être moi. J'aurais pu ne pas être ici. J'aurais pu, si  je hâtais trop le pas, trébucher et choir.. J'aurais pu si j'abusais de rêvasseries, perdre la mémoire ..

J'ai la chance de pouvoir écouter mon corps et d'apprivoiser sa douleur. Et quelques minutes avant de rendre l'âme j'appelle le docteur. Quelques minutes peuvent suffire pour  revivre et leurrer le néant.

Qui suis-je pour leurrer le néant.. ?

vendredi 19 février 2010

Terminus


















Il est là! Mon coeur bondit.. Va-t-il me percevoir cette fois? Depuis le temps qu'il hante mes pensées, je ne cesse de me demander si le feu qui me consume, le brule aussi ou s'il ne se rend même pas compte de ma présence.. Il avance dans ma direction.


Qu'est-ce que je fais? Je suis troublée, j'essaie de regarder ailleurs, faire bonne contenance, mais rien n'y fait. Brouillée par mes états d'âme, trahie par ma maladresse, je finis par croiser son regard qui me transperce... Je recule. Je me heurte à une barre derrière moi. Je suis bloquée. Intimidée, je me tourne en maudissant ma balourdise... Pourvu qu'il s'approche encore plus, qu'il me colle. Je le sens approcher, j'entends le bruit de ses pas, je respire son odeur. Je fais un pas en arrière pour mieux sentir sa présence, comme un papillon de nuit magnétisé par le feu, et je me brule les ailes... Je sens maintenant mes epaules contre sa poitrine, son ventre contre mon dos. Je frissonne . Mon coeur bat à tout rompre, ma poitrine se dresse et pointe insolemment.. Je ne sens plus mes jambes...

Il me plaque violemment contre la barre. ça me fait mal et je m'en delecte. Il se plaque contre moi encore plus fort. Je sens son visage dans mes cheveux. Il me hume. Son souffle brule mon cou.  Je me cambre. J'attends, languissante, que sa bouche  touche ma peau. J'ai envie de crier "dévore moi!!"... Quand ses levres  frolent enfin  ma nuque, un immense brasier s'enflamme dans mon ventre. Et, alors que j'etouffe un profond gemissement, je sens sa main se glisser sous mon pull. Une main froide qui electrise mon ventre brulant ainsi que mon corps tout entier. Une grande main, la main d'un homme. Il me masse le ventre et j'ai l'impression que mon coeur s'est arrêté de battre.

Je suis trempée de sueur. D'autres secrétions inondent, tel la lave qui coule, le cratère en bas de mon ventre... Inconsiemment j'ecarte les jambes. Il colle sa joue humide à la mienne. Nos odeurs se melent. Sa main monte,  ma fébrilité aussi.. Elle se dirige vers ma poitrine. Je  voudrais qu'il la presse, qu'il en pince les bouts, qu'il me fasse mal... Mais il ne fait que les effleurer délicatement et ça m'affole encore plus. Je soupire. Je sens son organe majestueusement dur et tendu contre mon dos et j'entends sa respiration haletante..

Subitement, il me retourne pour qu'on soit face à face. Je vois son regard affamé qui m'attise encore plus.. Il embrasse mon front humide. Je niche mon visage dans son cou, le renifle, le mordille, l'aspire.. Son organe raide pressé contre mon ventre m'intime de le libérer.. Je lui obéis en totale soumission à  ce désir qui a pris les commandes de mon corps et qui inhibe complètement mon cerveau.. Mais, le temps qui nous était imparti est écoulé...

 Terminus, Tout le monde descend, nous aussi.. Je pars à gauche, il part à droite. Et comme chaque matin, je m'assois à mon bureau le regard dans le vide et l'esprit à mille lieues ailleurs...